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Dans La Niche de... Romain Boujo

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Romain Boujo rembobine le film du rap français de 2015 à nos jours, avec son POV de directeur creatif, et nous recommande Abbot Elementary, Outlander Magazine et Pretty Betty.

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déc. 30, 2024
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Dans La Niche de... Romain Boujo
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Pour le dernier numéro de WAF-WAF de 2024, je suis heureux d’inviter Romain Boujo, graphiste et directeur créatif basé à Rennes, qui a récemment ajouté la production et le deejaying à sa fiche de compétences - allez faire un tour sur sa page Instagram pour jeter un œil à son travail, qui donne envie je l’avoue de cambrioler son bureau Ocean Eleven style et de repartir avec son PC rempli de bonnes idées comme butin.

On aurait alors surement, en bonus, quelques fichiers sons bien léchés. Car dans l’ordinateur de Romain, on peut aussi trouver, entre deux moodboards cousus mains, des playlists gonflées au rap français. C’est avec cette double casquette d’auditeur/designer qu’il a activé son clavier pour signer un article qui met en évidence un changement de paradigme dans le rap francophone de ces dernières années : l’importance grandissante de la direction artistique. Alors si vous souhaitez vous rencarder sur le B-A BA de la D.A, je vous invite à scroller vers le bas.

Moodboards et 808 : la direction créative du rap francophone

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster. Ou, à défaut, rappeur. Blanc, relativement privilégié, et suffisamment lucide quant à mes compétences et sur le fait qu’Internet n’oublie jamais, je me suis finalement rabattu sur le design. Bon, maigre consolation, j'ai au moins pu me réjouir de l’évolution de la direction créative du rap francophone ces dernières années.

Avant que ce soit à la mode d’être à la mode

Nous sommes en 2017 quand Hamza sort 1994. Pour situer, le rap francophone est toujours porté par l’élan qu’il connaît depuis 2015, les glides de 808 sont encore cools et mêmes celleux qui font un revers à leur baggy au-dessus de leur Air Max 1 commencent à être fatigué·es des blagues sur la nouvelle liberté capillaire des artistes : bref, la vie est belle. D’ailleurs, comment une année qui voit sortir “9 Milli” de Kekra pourrait ne pas l’être ?

Au-delà de ça, pour les rappeur·ses de cette époque comme pour French Montana outre-atlantique un an plus tard, c'est “no stylist”. À cette période, les youtubeur.ses ne s’habillant pas encore comme des rappeur.ses et inversement, les artistes vraiment pointu·es sur leur image se comptent sur les doigts d’une main, et le sont souvent par enthousiasme personnel. Donc quand, dans le livret de 1994, Hamza remercie Virgil Abloh, c’est peut-être le signe qu’il se passe quelque chose. 

Le designer n’a pas encore sorti sa collaboration avec Nike qui le rendra mainstream, ne dirige pas encore Louis Vuitton, il est alors “simplement” le designer de sa propre marque de streetwear Off-White, et styliste de Kanye West. Comment se fait-il qu’un jeune rappeur belge, future star de sa génération, mais encore relativement confidentiel, soit influencé par un designer de Chicago, lui aussi encore relativement niche ? GOAT reconnaît GOAT, comme on dit, mais surtout, le vent tourne : les rappeurs samplent le style en plus du son, et il va désormais falloir compter sur les cool kids créatif·ves pour rester pertinent·e.

Ce n’est évidemment pas la première fois que des artistes flexent des sappes pointues comme symbole de statut. Sans remonter jusqu’à Dapper Dan1 ou la collab’ entre Adidas et Run DMC, on peut citer 3010 qui portait déjà du Givenchy de Riccardo Tisci et des Air Yeezy 2 dans le clip de “Ma Paire” en 2013. Pourtant, cette connexion entre Hamza et Virgil Abloh marque, à mes yeux, un tournant symbolique pour ce qui va suivre.

“Quel poulet cette D.A.”

Si à cette époque, un outfit un peu flamboyant et un shooting de Fifou suffisaient donc à assurer la communication, et souvent l’identité créative, de tout un projet, c’est un peu plus compliqué aujourd’hui. Avec l’arrivée autour de 2020 de la nouvelle génération d’artistes francophones issu·es de Soundcloud (celle dont on ne doit, svp, plus prononcer le nom)2, tout change. Pas d’intermédiaire entre les artistes et leurs communautés, et surtout, des influences plus récentes qui font déjà attention à leur image : être bien sappé·e et, par extension, offrir un univers créatif cohérent à sa musique devient donc naturel, et non plus un effort réfléchi.

Sans parler à leur place, si Khali et La Fève ont une identité globale si marquée dès leurs débuts, c’est en partie parce qu’ils semblent s’être sincèrement pris la trap d’Atlanta époque YSL Records, avant de la digérer à leur manière. Et qui de mieux que Future et Young Thug, ou plus tard Gunna, Lil Keed et Lil Gotit (déjà cité par La Fève sur “NO HOOK” en 2021), pour enseigner l’art de soigner son image ?

Ainsi, si l’on peut regretter que, depuis, le terme “D.A.” (comprendre “direction artistique”) soit utilisé à tort et à travers, c’est au moins pour la bonne cause : pour rester à la page et se démarquer, les artistes rap ne peuvent plus se permettre de servir du réchauffé non-inspiré et mal emballé.

Vers l’infini et au-delà

Alors, est-ce que ça a vraiment changé quelque chose dans le rap francophone en termes de branding ? En essayant de ne pas utiliser d’horribles mots marketing : par branding, on entend tous les points de contact entre un·e marque et son audience, donc ici, entre un·e artiste et ses auditeurices. Un post sur les réseaux, du merchandising, une collaboration avec une marque ou un quelconque “truc” qui participe intentionnellement à son image de marque, c’est du branding.

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