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Samuele Nisi ou l'ascension numérique d'un neomelodico moqué

Samuele Nisi ou l'ascension numérique d'un neomelodico moqué

Gracchus Nortug déclare sa flamme au neomelodico de Samuele Nisi et vous recommande de camper et marcher, de se renseigner sur histoire locale et d'écouter du rap au quotidien.

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mars 30, 2025
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Samuele Nisi ou l'ascension numérique d'un neomelodico moqué
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Pour ce nouveau numéro de Waf-Waf, je suis heureux d’accueillir un texte de Gracchus Nortug (Dimitri Aurousseau), l’un des architectes du label White Garden, qui défend des artistes de la scène française émergente comme Simili Gum, Amor Fati, Saeira ou Almond Butyl. Avec White Garden, il participe à l’organisation d’événements qui investissent des salles franciliennes (FGO, La Station-Gare des mines, DOC, La Marbrerie) et des parcs. À cette occasion, Gracchus Nortug passe parfois derrière les platines pour mettre à profit ses heures de digging en ligne. Pour Musique Journal, il signe une lettre d’amour sous forme d’article dédiée au rappeur marseillais Kalif Hardcore.

Aujourd’hui, Gracchus déclare sa flamme à un autre manieur de micro. Celui-ci vit en Sicile, est bien plus jeune que Kalif, et brille dans un genre de musique populaire italien : le neomelodico. Béni par l’algorithme de Tiktok, Samuele Nisi (puisqu’il s’agit de lui) encaisse pourtant une montagne de moqueries, venu d’internautes pas séduits par ses interpolations et animés par un mépris de classe, qui n’est pas sans rappeler celui qu’a connu un ovni marseillais.

Dans la niche de… Dimitri Aurousseau

Quand les maisons de disques tentent à tout prix de séduire le public via Tik Tok en fomentant des stratégies plus ou moins réussies, certains ont la recette miracle pour faire parler d’eux. L’artiste qui nous intéresse aujourd’hui, Samuele Nisi, doit son ascension, ou plutôt son renouveau, en grande partie grâce à cette plateforme et à la magie de l’algorithme. Son tube, devenu meme internet, « Contro le camionette » cumule actuellement 3 millions de vues sur Youtube et 2 millions sur Spotify. Ces beaux scores, il les doit en grande partie à ses nombreuses vidéos mises sur Tik Tok, Youtube shorts ou Instagram.

Ce sont ces vidéos de lui dans des voitures de luxes, des piscines, dans des concerts, lors des goûters d’anniversaire ou dans des clubs, qui n’ont cessé de revenir sur mon feed pourtant peu riche en musique italienne. Ce qui frappe, au-delà des lieux insolites où il peut se représenter en concert, ce sont les commentaires en très grand nombre. Ils sont quasi tous sur le même registre ; blagues plus ou moins bon enfant où Samuele Nisi est comparé à Milhouse Van Houten, le binoclard de la série Les Simpsons. Ces critiques, qu’elles soient sur le ton de l’humour ou à la limite de la haine, l’artiste semble s’en vanter dans un intriguant dialogue avec ses haters. Le refrain de « Contro le camionette » évoque à merveille cette sorte de réponse à cette communauté présente à chaque vidéo :

“Parlate di me

La vostra è solo invidia, fanculo a chi mi odia

È diventato come un cliché

Ma punto sempre in alto, del resto me ne fotto”

“Tu parles de moi

Vous n'avez que de l'envie, j'emmerde ceux qui me détestent

C'est devenu un cliché

Mais je vise toujours haut, je me fous du reste”

Comme un pied de nez à ces internautes malveillants, Samuele Nisi poste très régulièrement ces vidéos où, en plus de faire la publicité de ses musiques, il prouve à tous son statut de star et sa vie luxueuse. Pour bien situer Samuele Nisi, il faut rappeler qu’il s’apparente au genre musical qu’on appelle « neomelodico », genre controversé trop souvent décrit par les journalistes musicaux que pour ses liens étroits avec la Camorra, la mafia napolitaine. Ce genre apparu vers la fin des années 70 est pourtant extrêmement populaire dans la baie de Naples et en Sicile. Cette industrie, comme d’autres, est convoitée par la mafia justement pour le succès de ces nombreux artistes qui peuvent représenter une manne financière importante mais ne voir ce phénomène que sous le spectre du banditisme serait une erreur réductrice.

Bien que pouvant se rapprocher de nombreux styles de musique, ce genre fait la part belle à l’histoire de la musique napolitaine. Un chanteur neomelodico peut incorporer en effet les thèmes de la criminalité et de la pauvreté à un registre historique qu’est la chanson à Naples, à savoir les chansons d’amour et les envolées vocales hérités sans doute des chants lyriques ou de la nenia, lamentations chantées lors de funérailles. Comme un miroir de la réalité de cette ville, les chansons napolitaines sont passées d'une version édulcorée et mielleuse à des paroles plus proches de la réalité vécue par les habitants. Dans les années 80, la ville commence à connaître un grand essor de population et un fort taux de chômage. Ceci entraîne des soucis de criminalité et il n’est pas étonnant que le discours des paroliers changent. Peu à peu, ils chantent en langue napolitaine leurs déboires, une vie et des amours difficiles ainsi que les activités criminelles et comment cela impacte le quotidien de chacun. Tout d’un coup, pour beaucoup de personnes extérieures à cette réalité, la musique légère de Naples devient un brin kitsch et vulgaire.

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