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Le warm up à l’heure des sets performatifs : dernier slot de liberté ?

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Florence Halazy défend les DJ sets d'ouverture et vous recommande Music For Parents, le scrabble et de rien avoir de prévu.

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mai 30, 2025
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Le warm up à l’heure des sets performatifs : dernier slot de liberté ?
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Pour ce nouveau numéro de Waf-Waf, j’ai le plaisir de partager un texte de Florence Halazy, qui officie à la programmation musicale des radios de la Radio Télévision Suisse et chronique également les actualités du monde de la musique au micro de cette même RTS. Pour ma part, je suis tombé sur son travail via son compte TikTok, que je vous recommande au passage. Florence Halazy est également DJ et opère sur la scène genevoise et ailleurs depuis plusieurs années avec son projet Bowmore.

C’est en tant que DJ qu’elle signe un essai aujourd’hui à propos d’un créneau essentiel, mais souvent mal aimé dans l’arène du deejaying : le warm-up. Sur le papier, prendre les platines alors que la soirée débute et que les premier·es danseur·euses s’approchent timidement de la piste ne semble pas être une situation idéale, mais comme elle l’explique si bien, ce slot jouit d’un statut particulier où se nichent un paquet d’opportunités de prendre du plaisir et de s’émanciper dans sa pratique de DJ.

Dans la niche de… Florence Halazy

J’ai relu un article de Résident Advisor, «The esoteric art of the opening», publié en 2009. Un long article qui expliquait à quel point un warm up était crucial pour une soirée club. Une mission essentielle, presque noble. L’article expliquait que pour bien faire un warm up, il fallait une collection éclectique, bien connaitre ses morceaux, maitriser les textures, les grooves et les rythmes — et surtout, se restreindre. Ne pas aller trop vite, ne pas dépasser les 124BPM, ne pas cramer le set du headliner.

Lire ça aujourd’hui m’a donné l’impression de lire un article de géo-politique qui aurait été écrit avant la chute de l’URSS. Intéressant, mais anachronique. La scène club a, elle aussi, connu sa chute du mur, un confinement mondial qui a fait muter notre rapport à la musique club, au dancefloor. Dans les clubs où je joue, il est rare qu’un headliner commence son set en dessous de 140BPM. Mais l’augmentation de la vitesse n’est que la partie émergée de la transformation.

Depuis quelques années, quelque chose s’est déplacé dans la manière dont on vit le club. Le rapport au temps, à la progression d’un set, à la surprise. Le DJ set, autrefois décrit comme un voyage, s’est fragmenté en une série de pics émotionnels destinés à exister sur les réseaux sociaux. On ne juge plus un DJ sur la cohérence de trois heures de mix, mais sur dix secondes de vidéo d’un drop, qui souvent seront regardées sans le son, sur des téléphones.

Un DJ interrogé explique dans l’article : « En tant que DJ, il y a un juste milieu à trouver entre être vous-même, tout en étant attentif à ce qui marche sur un dancefloor ». C’est toujours vrai. Mais ce "juste milieu" est devenu plus étroit. Le public, abreuvé de vidéos virales et de récits clubbings standardisés, arrive en club avec une vision très précise de ce qu’il veut vivre. Il veut le moment fort, l’extase immédiate, le BPM qui cogne. Peu se demandent ce qu’il se passe les 2h59 restantes autour de ce moment. Le peak time est devenu un standard unique, la scène club s’uniformise, les genres s’aplatissent. Comme ces touristes qui vont à l’autre bout du monde pour manger les mêmes brunchs qu’à Paris ou Berlin, les clubbers veulent retrouver des sensations identiques, partout. Une esthétisation qui affaibli la scène club dans sa diversité et qui rend le point de rencontre entre la singularité d’un DJ et les attentes du publique extrêmement réduite.

Eh bien, au cœur de ce paysage homogénéisé, il reste une zone de liberté : le warm-up. Il devient un espace de résistance, une zone de liberté dans un écosystème clubbing souvent dominé par la vitesse, l’intensité et le conformisme. Il est affranchi du productivisme du DJ set de vigueur qui consiste à défoncer le dancefloor. Dans un warm up, on peut proposer une vision sans avoir à rivaliser avec la surenchère. On peut ralentir, oser le silence, construire quelque chose sur la durée.

C’est une zone que j’aime précisément pour ça : parce qu’on y a moins d’attentes. On peut jouer des tracks trop lentes, trop étranges. On peut s’autoriser à douter, à tester. À observer la salle se remplir, la tension monter. Il y a quelque chose de profondément jouissif dans le fait de partir d’une page blanche et de décider, petit à petit, de la tournure que va prendre la nuit.

Jouer la première track d’un warm up, c’est un sentiment absolument unique. Le dancefloor est vide, on sent la tension du club qui est en train d’ouvrir, avec, dans l’air, l’odeur de la smoke machine. On sait que cette première track c’est la première d’une longue série, les premières notes d’un signal de musique qui sera ininterrompu jusqu’à ce que les lumières s’allument. Elle ouvre une nuit en club, un champ des possibles, un moment de communion collective. J’ouvre la parenthèse, mais sans savoir comment elle sera fermée. Pour certains très vite, après quelques heures d’ennuis, pour d’autres dans deux jours, après des expériences qui vont changer leur vie. Cette première track, c’est un départ, un embranchement. On ne sait pas encore si on ira vers le nord ou vers le sud, vers la mélancolie ou l’hypnose, mais on enclenche le moteur. On crée un climat. Pour soi, pour les autres et pour le staff, ces invisibles du clubbing qui entendent chaque set du début à la fin.

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